J.O. 264 du 13 novembre 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Décision n° 2003-704 du 12 juin 2003 fixant les conditions d'utilisation des installations radioélectriques permettant de rendre inopérants, tant pour l'émission que pour la réception, les téléphones mobiles de tous types dans l'enceinte des salles de spectacle


NOR : ARTL0300043S



L'Autorité de régulation des télécommunications,

Vu la directive no 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles techniques relatives aux services de la société de l'information, et notamment la notification no 2002/445/F du 15 novembre 2002 ;

Vu la directive no 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 1999, concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité ;

Vu le code des postes et des télécommunications, et notamment ses articles L. 33-1, L. 33-3 (6°), L. 34-9, L. 36-6, L. 39-1, L. 66 et D. 98-1 ;

Vu le décret no 2002-775 du 3 mai 2002 pris en application du 12° de l'article L. 32 du code des postes et des télécommunications et relatif aux valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements utilisés dans les réseaux de télécommunications ou par les installations radioélectriques ;

Vu l'appel à commentaires lancé par l'Autorité de régulation des télécommunications le 6 décembre 2001 sur l'utilisation en France d'appareils permettant d'empêcher le fonctionnement des téléphones mobiles et la synthèse des contributions à cette consultation publique, publiée le 3 mai 2002 ;

Vu les travaux du groupe de travail créé par l'Autorité de régulation des télécommunications en vue de la définition des conditions d'utilisation des installations radioélectriques permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles dans les salles de spectacle, et notamment ses réunions des 19 juin 2002 et 10 juillet 2002 ;

Vu les avis circonstanciés du Royaume-Uni, du Danemark et de la Finlande relatifs à la notification no 2002/445/F ;

Vu les observations de la Commission européenne et de la Suède relatives à la notification no 2002/445/F ;

Vu la recommandation du comité sur les communications électroniques no ECC/REC/(03)04 ;

La commission consultative des radiocommunications ayant été consultée le 3 octobre 2002 ;

Après en avoir délibéré le 12 juin 2003,

Adopte la présente délibération fondée sur les faits et motifs exposés ci-après :

1. Une décision réglementaire rendue nécessaire par la loi du 17 juillet 2001, mais qui ne peut remédier aux incompatibilités signalées entre la loi française et les dispositions européennes

L'article 26 de la loi du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, modifiant l'article L. 33-3 du code des postes et des télécommunications, autorise le libre établissement, dans les salles de spectacle, d'installations radioélectriques permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles, tant pour l'émission que pour la réception.

La mise en application de cette disposition nécessite que l'Autorité de régulation des télécommunications prenne une décision, sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-6 du code des postes et des télécommunications, définissant les conditions d'utilisation de ces dispositifs, décision soumise à l'homologation du ministre chargé des télécommunications.

L'Autorité souligne que les travaux de préparation de ces conditions d'utilisation, conduits depuis 2001 en concertation publique avec l'ensemble des administrations et des acteurs intéressés, ont mis en évidence d'importantes difficultés opérationnelles, dont certaines touchant des considérations d'ordre public et des risques juridiques, relatifs tant au droit interne qu'au droit communautaire. C'est pourquoi elle a tenu continuellement informés le Gouvernement et le Parlement du déroulement de ces travaux et des difficultés rencontrées.

Le dispositif français relatif aux installations radioélectriques permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles a été soumis, à travers la présente décision, à la procédure d'information d'une durée minimale de trois mois auprès des autres Etats membres et de la Commission européenne, prévue par les dispositions de la directive no 98/34/CE susvisée. La commission et les autres Etats membres pouvaient à cette occasion adresser à la France des observations dont elle a à tenir compte dans la mesure du possible.

La France a ainsi notifié le 15 novembre 2002 à la Commission européenne un projet de réglementation technique, enregistré par la commission sous la référence 2002/445/F, constituée du contenu de la présente décision fixant les conditions d'utilisation des installations radioélectriques permettant de rendre inopérants dans les salles de spectacle, tant pour l'émission que pour la réception, les téléphones mobiles de tous types dans l'enceinte des salles de spectacle. Dans le cadre de cette procédure, la France a reçu des avis circonstanciés du Royaume-Uni, du Danemark et de la Finlande, ainsi que des observations de la Suède et de la commission, relatifs à cette réglementation. La réception de ces avis circonstanciés a prolongé automatiquement le délai pendant lequel la France ne pouvait adopter la réglementation concernée (« délai de statu quo ») jusqu'au 16 mai 2003.

Dans leurs avis circonstanciés, le Royaume-Uni, le Danemark et la Finlande considèrent que le projet de décision devrait être abandonné dans la mesure où il autoriserait des équipements dont la nature même est de porter atteinte à un service de communication, en l'occurrence la téléphonie mobile, en contradiction, selon eux, avec l'article 3-2 de la directive no 99/5/CE. Dans leurs observations, la Suède et la Commission recommandent fortement à la France, pour les mêmes motifs, de reconsidérer le projet notifié. Par ailleurs, l'Autorité a pris acte de la recommandation no ECC/REC/(03)04 du comité sur les communications électroniques (ECC), au sein de la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications (CEPT), visant à recommander aux pays membres de la CEPT l'interdiction de mise sur le marché et d'utilisation de brouilleurs GSM.

Les observations et les avis circonstanciés exprimés, en ce qu'ils contestent le principe même de l'autorisation des brouilleurs, se heurtent aux dispositions résultant de l'article 26 de la loi du 18 juillet 2001. Par ailleurs, les observations relatives aux conditions d'utilisation d'appareils brouilleurs, concernant notamment le champ d'application du dispositif et l'obligation de résultat en matière de confinement, qui avaient déjà été identifiées au moment de la préparation des présentes conditions techniques, ne peuvent pas être prises en compte dans le cadre législatif actuel.

L'Autorité attire donc à nouveau l'attention du Gouvernement sur l'incompatibilité entre la loi française autorisant les brouilleurs dans les salles de spectacle et les avis et observations formulés par la Commission et les Etats membres.

L'Autorité s'estime toutefois tenue, en l'absence de modification de la loi française, de transmettre pour homologation la présente décision fixant les conditions techniques d'utilisation, dont le principe est prévu par cette même loi. L'Autorité souligne néanmoins qu'elle ne peut pas, dans le cadre juridique imparti à la présente décision, remédier aux difficultés opérationnelles et juridiques associées à l'autorisation du libre établissement de brouilleurs dans les salles de spectacle.

L'Autorité considère donc qu'il appartient au ministre chargé des télécommunications d'apprécier l'opportunité d'homologuer cette décision au vu des éléments contenus dans ses motifs, et des éventuels projets législatifs du Gouvernement. Cette décision, qui vise à préserver au mieux les exigences essentielles dans le respect du cadre législatif actuel, devrait vraisemblablement être modifiée en cas d'évolution législative concernant les brouilleurs dans les salles de spectacle.

Dans ce contexte, l'Autorité, par la présente décision, propose à l'homologation ministérielle des conditions d'utilisation des installations radioélectriques permettant de rendre inopérants dans les salles de spectacle, tant pour l'émission que pour la réception, les téléphones mobiles de tous types dans l'enceinte des salles de spectacle, qui ont été élaborées dans le cadre de la démarche décrite ci-dessous.



2. Démarche suivie par l'Autorité pour la préparation des présentes conditions techniques applicables aux brouilleurs dans les salles de spectacle

Afin de préparer les présentes conditions d'utilisation, l'Autorité a lancé, le 6 décembre 2001, un appel à commentaires sur l'utilisation en France d'appareils permettant d'empêcher le fonctionnement des téléphones mobiles dans les salles de spectacle.

Les contributions à cette consultation publique ont fait notamment ressortir des éléments tendant à montrer une incompatibilité de certains systèmes permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles, avec des exigences réglementaires relatives à la couverture et la qualité des réseaux mobiles ou à la possibilité de passer des appels d'urgence, figurant dans les autorisations des opérateurs mobiles. Elles ont également souligné certains risques juridiques associés à la mise en oeuvre de cette nouvelle disposition législative.

Au vu de ces éléments qui touchent la sécurité publique et le bon fonctionnement des réseaux, l'Autorité a informé les pouvoirs publics, et notamment les assemblées parlementaires, et a consulté le Gouvernement sur les modalités de poursuite du processus engagé. A la demande de celui-ci, elle a décidé de créer un groupe de travail afin d'approfondir les difficultés soulevées par les contributions reçues.

Ce groupe, composé de représentants des différentes administrations concernées, des opérateurs mobiles, de salles de spectacle et d'industriels, s'est attaché à analyser les questions associées, d'une part, au problème avéré des nuisances liées à l'utilisation de téléphones mobiles dans les salles de spectacle et, d'autre part, au respect des intérêts essentiels de sécurité publique et de la qualité des réseaux mobiles pour les consommateurs.

Les travaux du groupe de travail ont fait ressortir un consensus sur l'intérêt, dans le cadre de la mise en oeuvre de brouilleurs dans les salles de spectacle, de certaines mesures complémentaires visant notamment à protéger l'intégrité des réseaux utilisés par les administrations de l'Etat sur l'ensemble du territoire, et des réseaux mobiles des opérateurs en dehors des salles de spectacle. Il est en outre ressorti que la plupart de ces mesures ne relèvent pas juridiquement des présentes conditions d'utilisation susceptibles d'être prises dans le cadre législatif et réglementaire actuel. Les exigences opérationnelles et les enjeux juridiques à prendre en compte sont présentés ci-dessous.


3. Les exigences opérationnelles

et les enjeux juridiques à prendre en compte

La question du confinement


Conformément aux dispositions du code des postes et des télécommunications, les téléphones mobiles ne sauraient être rendus inopérants à l'extérieur de l'enceinte de la salle de spectacle. Cette exigence essentielle est nécessaire pour garantir la non-perturbation des réseaux mobiles en dehors des salles de spectacle.

Des mesures réalisées par l'Agence nationale des fréquences montrent la complexité technique de la réalisation d'un tel confinement des champs électromagnétiques émis par un appareil brouilleur. Cet objectif implique l'utilisation d'équipements sophistiqués et de méthodes d'installation et de mise en oeuvre rigoureuses.

Le régime de libre établissement de ces appareils ne permet pas d'imposer de mise en place d'un régime d'autorisation, ni de procédure d'installation particulière. Toutefois, l'Autorité recommande que l'installation de tels équipements soit réalisée par des professionnels de la radio selon une procédure vérifiant l'effectivité du confinement à la salle où se déroule le spectacle, afin d'éviter que la qualité de service des réseaux mobiles ne soit indûment détériorée.

Par ailleurs, en l'absence de norme harmonisée sur les appareils brouilleurs, les réflexions menées avec l'ensemble des acteurs concernés ont montré la difficulté de définir des valeurs maximales acceptables concernant les niveaux de champs émis par les brouilleurs ou le rapport de ces niveaux de champs avec ceux émis par les antennes relais, afin de garantir le non-brouillage des téléphones mobiles à l'extérieur de la salle de spectacle. La définition de tels niveaux demanderait une analyse approfondie, pouvant rendre nécessaire la réalisation de tests de l'ensemble des équipements disponibles, dans leur diversité susceptible de rendre difficile l'identification de valeurs applicables de façon universelle. C'est pourquoi, l'Autorité a estimé préférable d'imposer dans les présentes conditions d'utilisation une obligation de résultat en matière de confinement vérifiable et applicable à l'ensemble des installations.


La garantie contre la prolifération


Le régime de libre établissement des appareils permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles dans les salles de spectacle ne saurait ouvrir la voie à leur prolifération illégale dans d'autres lieux.

Afin de se prémunir contre une telle évolution qui serait susceptible de porter gravement atteinte à la couverture et la qualité de service des réseaux mobiles, le groupe de travail s'est prononcé en faveur d'un régime d'autorisation ou de déclaration et d'une restriction de la commercialisation de ces équipements aux seules salles de spectacle. Toutefois, la mise en place de ces mesures n'est pas envisageable dans le cadre de l'actuelle réglementation.


La question des équipements radioélectriques utilisés

par les services de sécurité


Il n'appartient pas aux présentes conditions d'utilisation de restreindre le champ d'application de la loi et d'interdire le brouillage de certains types de téléphones portables, alors que la loi prévoit précisément que tous ces types de téléphones mobiles peuvent être rendus inopérants.

L'Autorité estime néanmoins que ne devraient pas, en tout état de cause, être brouillés les équipements radioélectriques utilisés par les forces de police, de la défense, les pompiers, les services d'urgence et toute autre administration chargée de mission relative à la sauvegarde de la sécurité publique, de l'ordre public, de la santé publique ou de la sécurité des personnes et des biens.


Les appels d'urgence


L'article L. 33-3 (6°) prévoit que les mobiles peuvent être rendus « inopérants » dans l'enceinte des salles de spectacle. Cette disposition pourrait être entendue comme autorisant les brouilleurs qui ne permettent pas le passage d'appels d'urgence. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article D. 98-1 du code des postes et des télécommunications que les opérateurs, y compris les opérateurs mobiles, prennent les mesures nécessaires pour acheminer gratuitement les appels d'urgence à partir des points d'accès publics, des points d'abonnement et des points d'interconnexion.

L'Autorité souligne les difficultés d'interprétation de ces dispositions et attire l'attention sur les conséquences potentielles d'une mise en place de brouilleurs ne permettant pas le passage d'appels d'urgence. Elle estime qu'une mise en cohérence de ces dispositions est nécessaire afin de faire prévaloir de façon explicite les impératifs liés au passage des appels d'urgence.


L'information du public


L'Autorité considère que le public qui pénètre dans un endroit dans lequel un brouilleur empêche le fonctionnement des téléphones mobiles doit en être informé.

A ce titre, l'Autorité recommande la mise en place par l'exploitant d'une information claire et visible sur la présence d'un appareil rendant inopérants les téléphones mobiles dans une salle de spectacle, par exemple par un affichage à l'entrée et dans la salle,

Décide :


Article 1


Les conditions d'utilisation ci-après sont applicables aux installations radioélectriques permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles dans l'enceinte des salles de spectacle, telles que définies dans l'article L. 33-3 (6°) du code des postes et des télécommunications.

Article 2


L'utilisation d'installations radioélectriques permettant de rendre inopérants les téléphones portables dans une salle de spectacle doit respecter les exigences essentielles définies par les dispositions de l'article L. 32 (12°) du code des postes et des télécommunications.

Article 3


L'établissement d'une installation radioélectrique permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles dans l'enceinte d'une salle de spectacle ne doit pas causer, à l'extérieur de cette enceinte, de détérioration du taux de réussite des appels depuis ou vers ces mêmes téléphones. Le non-respect de cette disposition est passible, le cas échéant, des sanctions prévues par les dispositions du code des postes et des télécommunications susvisées.

Article 4


L'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les installations radioélectriques permettent de rendre inopérants les téléphones portables dans une salle de spectacle doit respecter les valeurs limites définies dans le décret du 3 mai 2002 susvisé.

Article 5


L'établissement d'une installation radioélectrique permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles dans l'enceinte d'une salle de spectacle ne doit pas faire obstacle à l'application de la réglementation applicable à l'émission ou à la réception d'appels d'urgence sur ces mêmes téléphones.

Article 6


L'exploitant d'une salle de spectacle utilisant une installation radioélectrique permettant de rendre inopérants les téléphones mobiles est soumis au respect des présentes conditions d'utilisation.

Article 7


Le président de l'Autorité de régulation des télécommunications est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera, après homologation par arrêté du ministre chargé des télécommunications, publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 12 juin 2003.


Le président,

P. Champsaur